“On ne sauvera pas Haïti, mais …”

Texte écrit par Hélène Ruel est tiré du Cyber-Bulletin 8.29 de l’AQANU

Pas dans ma cour! La cour de l’école Saint-Vincent, à Pilate, est dans un piteux état. À la moindre averse, les enfants n’ont presque pas d’espace de jeu car la cour n’est pavée qu’au tiers de sa superficie. Les habits scolaires sont souvent détrempés par la pluie et la boue. (Photo Roger Clavet)

«On ne sauvera pas Haïti, mais on pourra au moins se dire qu’il y a un village qui a changé. Il est non seulement utile, mais indispensable de s’y rendre pour rester à l’écoute des besoins de la communauté.»

Besoin de sachets. Le père Frantzdy et Roger Clavet ont établi une liste d’actions prioritaires que les deux partenaires souhaitent réaliser conjointement, dont l’achat et l’aménagement d’une ensacheuse pour le transport de l’eau traité par osmose inverse

Membre de l’AQANU Bois-Francs depuis quelques mois, Roger Clavet s’est rendu en Haïti, dans la région de Pilate notamment. Accompagné de Paul Bergeron, un ami de longue date également membre de l’Association, Roger a pu mesurer la portée des projets que soutient l’AQANU depuis plusieurs années. Originaires de Québec, les deux hommes se sont côtoyés à l’Université Laval, alors étudiants en journalisme et sciences politiques.

«C’est petit, mais c’est toujours là», soutient Roger, faisant allusion aux réalisations financées par l’AQANU, comme l’orphelinat, la bibliothèque, la cantine scolaire, le système de traitement de l’eau par osmose inversée, etc.

Oui, affirme encore Roger, en ce sens l’AQANU peut se targuer de faire du «développement durable et démocratique», ajoute-t-il. Cela parce que, contrairement à de grandes organisations non gouvernementales qui fonctionnent par programmes, l’Association travaille à partir des besoins exprimés par les communautés.

Et, à ce sujet, Roger et Paul ont pu constater, de visu, que les besoins sont toujours aussi pressants.

Les «trompettes» de l’Apocalypse. La petite école Notre-Dame-de-Grâce de Ravine-Trompette, a été lourdement touchée par un séisme en octobre 2018. En plus de l’effondrement total d’un bâtiment, les toilettes sont dans un état apocalyptique. Un nouveau bloc sanitaire et une cuisine sont impérativement demandés. (Photo Roger Clavet)

Le tremblement de terre d’octobre 2018 a endommagé le deuxième étage de l’école de Pilate. Par ailleurs, on a besoin d’au moins 400 chaises pour l’école et la salle communautaire. Un agrandissement serait nécessaire parce que les classes sont surpeuplées. Un bloc sanitaire et une cuisine ne constitueraient pas un luxe à Ravine-Trompette. Si l’entrée et la cour de l’école étaient pavées, les enfants n’auraient plus à jouer dans la boue. Il y a toujours ce projet d’ensacher l’eau traitée par osmose inverse afin de pouvoir en vendre à l’ensemble des villageois. «L’atelier de couture pourrait récupérer et recycler les sacs d’eau», précise Roger.

État de sièges. Le père Frantzdy Joseph (à droite), curé de la paroisse de Sainte-Rose-de-Lima et responsable du complexe scolaire, montre à Paul Bergeron la cinquantaine de structures métalliques de chaises à rembourrer dont il dispose en ce moment

Les deux ambassadeurs de l’AQANU disent avoir été accueillis avec autant d’émotion que de reconnaissance à Pilate et à Ravine-Trompette. Ce qui incite Roger à espérer que l’AQANU puisse assurer un suivi plus rapproché des projets qu’elle soutient. «Les gens ont de la mémoire… et des attentes à notre égard.»
«Il ne faut pas avoir peur d’y aller», dit Paul, qui en était à son deuxième séjour en terre haïtienne. L’an dernier, il avait rejoint Roger alors en mission pour SUCO.

Paul se souvient du choc qui l’avait littéralement «paralysé» pendant quelques heures. S’étant retrouvé seul non loin du grand marché de Jacmel pour y chercher de l’eau, il avait pris la mesure de l’immense pauvreté qui y régnait, de la course folle des Haïtiens, des enfants allant à l’école. Il en avait été tétanisé durant quelques heures, réalisant brusquement qu’il était l’«étranger».

Si, l’an dernier, Paul avait pourtant pu effectuer ce qu’il appelle un «voyage d’agrément», cette fois, en mai 2019, le séjour a pris une autre tournure. «Ce genre de voyage, humanitaire, est une expérience à vivre. Au lieu de s’attarder à visiter le passé comme la forteresse de Cap-Haïtien, «on a choisi
le présent», illustre Paul.

Roger parle de l’Haïti d’aujourd’hui comme d’un pays abandonné, sans gouvernail, où le chef est contesté et l’opposition désorganisée. «Y’a-t-il un pilote à bord?», a fini par demander Roger à un pasteur rencontré dans l’avion qui parlait de justice sociale.
Il ajoute qu’il entend un appel désespéré, certains Haïtiens fondant leur espoir dans l’avènement d’une autre catastrophe naturelle qui leur amènerait la manne.

Au-delà de la pauvreté, poursuit Roger, il y a ce drame vécu par les enfants. «Ce drame se joue chez les enfants. Entre 4 et 12 ans, ils vont à l’école, fondent leurs espoirs dans l’éducation. Puis, à 12 ans, cet espoir est assassiné, leur rêve d’éducation est brisé parce qu’ils doivent rester à la maison auprès d’un père ou d’une mère qui a besoin d’eux. Ils n’ont pas d’emploi. Selon moi, c’est pire que la pauvreté.»

«Malgré tout, les Haïtiens ont un courage profond, une force de vivre. Cela demande compréhension; c’est interpellant.»
Pour s’être d’abord attaché au travail en macro avec de grandes organisations, c’est désormais par du développement en micro que Roger Clavet souhaite répondre à l’appel.

Hélène Ruel

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