«Haïti, c’est la moitié de mon pays!»

Grégoire Ruel et Véronique René, mariés depuis près de 50 ans, parents de quatre filles et grands-parents de toute une équipe de soccer, sept petits-fils. (Photo gracieuseté)

On ne saurait se tromper en parlant de Grégoire Ruel comme d’un des piliers de l’AQANU. Il y est actif depuis «toujours», depuis même la genèse de l’Association officiellement créée en 1972. Et s’il affirme qu’Haïti est la moitié de son pays, c’est beaucoup parce qu’Haïti est le berceau de Véronique René, son épouse depuis octobre 1971, près de 50 ans donc.

Originaire des Bois-Francs, de Sainte-Sophie-de-Mégantic (qu’on appelle Sainte-Sophie-d’Halifax maintenant), aîné d’une famille de sept enfants, Grégoire a vécu dans plusieurs régions du Québec.

D’où qu’il ait résidé, Sherbrooke, Montréal, Thetford Mines, Alma, Chicoutimi et maintenant à partir de Gatineau il n’a jamais cessé de contribuer aux activités de l’AQANU, l’ayant d’ailleurs présidée de 2008 à 2013.

C’est avec des Alain Talbot, Raymond Tellier et Octave Cartier qu’autour de 1985, Grégoire travaillait à structurer l’AQANU-Outaouais, comité dont il a été responsable pendant dix ans.

Son premier contact avec Haïti remonte à 1970, ayant participé à un stage organisé par l’Association canadienne pour les Nations unies. Il était alors étudiant à l’Université de Sherbrooke en quête d’un baccalauréat en service social.

Un stage déterminant

«Je voulais être coopérant depuis l’âge de 13 ans alors que je fréquentais le Séminaire des pères de Sainte-Croix qui invitaient des missionnaires à nous parler.»

Ce premier stage en terre haïtienne allait déterminer le cours de sa vie. Il y a fait la rencontre de la jeune Haïtienne Véronique René, alors enseignante dans une école maternelle. C’est l’amour! Un amour entretenu par correspondance pendant toute une année, le temps que Grégoire poursuive ses études à Sherbrooke et qu’il retourne en Haïti l’été suivant, en 1971.

C’est à Grégoire que l’on confie, depuis deux ans, la présidence de l’assemblée générale annuelle. Sur la photo, il montre, à l’écran, le visage d’Alain Talbot à qui Danielle Massicotte (à l’avant-plan) avait rendu hommage en décembre 2019. (Photo Hélène Ruel)

Et c’est avec Véronique qu’il revient au Québec à l’été 1971. En quelques semaines, à la suite d’une rencontre avec le curé et d’une enquête prénuptiale à la fin de septembre, s’organisait la cérémonie du mariage le vendredi 8 octobre!

Auparavant, au pays de bébé Doc (Duvalier), il avait fallu que Grégoire se dépatouille dans le dédale bureaucratique afin d’obtenir passeport et visa pour Véronique. Il lui avait fallu se rendre jusqu’au ministère de l’Intérieur.

Grégoire témoigne encore de sa reconnaissance à l’endroit du responsable des frères du Sacré-Cœur en Haïti qui lui avait prêté l’argent nécessaire pour acheter le billet d’avion de Véronique. «Ce que je n’avais pas puisque j’étais encore étudiant.»

Pour Véronique, Grégoire avait obtenu qu’elle soit admise comme étudiante au Cégep de Victoriaville, alors que lui entreprenait son stage en service social à Plessisville.

Un soutien mutuel

Tout au long de leur vie, Véronique et Grégoire se sont soutenus. Véronique accepte de suivre son mari à Thetford Mines en 1972, lui qui y décroche son premier emploi. Pendant ce temps, elle retourne aux études secondaires en vue de devenir infirmière auxiliaire.

En retour, il suit son épouse qui vient, enfin, de décrocher un poste à Alma. Pendant huit ans, dans cette région, à Alma, puis à Chicoutimi, il occupera diverses fonctions au Centre de services sociaux: chef d’unité, directeur de la filiale d’Alma, conseiller-cadre en planification et en programmation.

Les deux se soutiendront aussi alors que Véronique entreprend son cours d’infirmière et que Grégoire entame une maîtrise en administration publique.

C’est un poste qui se libère enfin pour Véronique à l’hôpital de Gatineau qui entraînera un nouveau déménagement du couple… et de leurs trois filles (une quatrième naîtra à Gatineau) en 1983.

À Gatineau, il retraite en 2008 de sa fonction de commissaire aux plaintes pour occuper à temps partiel la coordination du comité des usagers du Centre de santé et de services sociaux de Gatineau et cela pendant dix ans. Auparavant, il avait successivement occupé les postes de chef de services communautaires, de conseiller en planification-programmation, de coordonnateur du développement des programmes et agi, pendant deux ans, comme évaluateur pour le Conseil québécois d’agrément.

Haïti, source de motivation

À travers sa vie professionnelle, ses responsabilités familiales, Grégoire a toujours trouvé du temps pour l’AQANU. Sa source de motivation?  Haïti.

Si, l’AQANU-Outaouais est si active et créative, c’est, dit-il, parce que sa structure est ouverte, démocratique. «Une structure doit exister pour aider les gens, pas pour les écraser.» L’ex-président ajoute que l’AQANU-Outaouais mise sur une diversité de personnes, qui assument des responsabilités et ont l’occasion d’en rendre compte. Les réunions sont régulières.

Au lieu de déployer beaucoup d’énergie à organiser des soupers annuels on a opté pour la formule plus souple des déjeuners, rappelle-t-il. «C’est un besoin que de tenir de telles rencontres», dit encore Grégoire. Cet annuel déjeuner réunit ses fidèles depuis des décennies.

Sa contribution à l’AQANU a pris plusieurs formes au fil des années. Il a été de ceux qui, chaque année, animaient des groupes de visiteurs québécois en Haïti.

«Roland Gingras (un Victoriavillois faisant partie des fondateurs de l’AQANU) nolisait des avions complets, se souvient Grégoire. Ces voyages socioculturels visaient à sensibiliser les gens aux projets de développement, à stimuler leur engagement.» Grégoire en a animé six.

L’AQANU a dû mettre fin à ce genre de séjour au milieu de la décennie 1980, mettant trop à risque la sécurité des visiteurs étrangers. Par la suite et jusqu’à tout récemment, les voyages en Haïti visaient essentiellement le suivi des projets de l’AQANU.

Si son dernier séjour en Haïti remonte à une vingtaine d’années, Grégoire a été membre du plusieurs comités de l’AQANU, assumant, entre autres, la responsabilité du comité des visites aux Nations Unies à New York et en Europe.

Il joue un rôle actif dans l’organisation de l’annuel déjeuner, dans la collecte de fonds, la présentation et le suivi de projets de développement en Haïti, celui de la distribution des moulins à maïs étant le plus récent.

Son engagement à l’AQANU puise aux mêmes valeurs du travail social qui l’a occupé toute sa vie. «Cela rejoint ma volonté d’aider les gens à s’aider eux-mêmes. Ce qui me retient à l’AQANU, c’est son orientation, sa philosophie, son appui à des projets de développement durable, au renforcement des capacités. Au cours des années, on a eu quelques écarts, mais nos projets priorisent la souveraineté alimentaire. Un pays qui ne peut se nourrir ne peut être indépendant.»

Il ajoute que l’AQANU nourrit son goût de solidarité humaine avec Haïti, la moitié de son pays, à qui, affirme-t-il, il doit beaucoup. «Et puis, c’est le message d’amour et de compassion de ma foi catholique qui nourrit mon engagement.»

Il faut le dire. Grégoire Ruel s’est fait tirer l’oreille longtemps avant de consentir à ce qu’on dresse son portrait. Cela parce que, tient-il à dire, c’est un grand nombre de bénévoles qui, depuis près de 50 ans, à partir des fondateurs Pierre Dextraze, Roland Gingras et Robert Arsenault, tiennent l’AQANU à bout de bras.

«Ça me touche le cœur de penser qu’ensemble toutes ces personnes ont permis à l’AQANU de soutenir plus de 260 projets en Haïti.»

Il s’aventure à nommer des gens comme les Victoriavillois Huguette Turcotte et le regretté Ernest Laflamme ainsi que la Gatinoise Danielle Massicotte. Il en parle comme de gens ayant «mis de l’ordre» et de la crédibilité dans la trésorerie de l’Association. «La liste est longue de tous ces bénévoles à qui je voudrais rendre hommage.»

Il est toutefois convaincu que toutes ces personnes dont il loue les mérites se reconnaîtront.

Hélène Ruel

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